Sénatoriales 2023 : quel bilan en France et en Seine-Saint-Denis ?

26/09/2023

Dans l'ensemble, on y retrouve l'application directe des élections municipales de 2020 : une vague droite prépondérante mais moins puissante qu'en 2014, la Macronie souffrant d'une implantation absente (contrairement à son allié Horizons), la gauche en meilleure forme qu'il y a six ans, et surtout le retour en force d'EELV, qui a pris davantage de poids et de postes dans les coalitions municipales de gauche. Le PS réalise de beaux scores dans des zones rurales comme la région Centre Val-de-Loire ou le Lot-et-Garonne. 

Le RN obtient trois sièges ; dans le Nord et le Pas-de-Calais, c'est la suite logique des municipales où des mairies parfois emblématiques (Bruay-la-Bussiere) ont été conquises. Mais cela ne suffit pas à expliquer la victoire d'Aymeric Durox en Seine-et-Marne, ni les scores très élevés dans le Grand-Est et certains départements occitans notamment : il y a un tabou du vote RN qui vient de se briser. Il est essentiel de comprendre le phénomène pour qui veut l'enterrer.

Commençons par les réponses fausses :
• Les élus de droite se seraient-ils raidis ? Non, sinon la majorité des voix prises par le RN auraient été arrachées à LR, ce qui n'est pas vrai dans tous les départements. Dans le Pas-de-Calais, c'est la gauche qui perd un siège (Michel Dagbert était président socialiste du département, il ne s'est macronisé qu'après).
• les élus macronistes ont-ils préféré monter leur "adversaire favori" le RN ? Certainement pas, ils étaient tellement occupés à réélire leurs sénateurs sortants, ils n'ont même pas tous réussi à le faire.

Maintenant, parlons des vrais sujets :
• Suite à l'épisode des retraites, LR n'incarne plus l'opposition. Souvenons-nous du discours schizophrène de l'explication de vote des LRpar ce pauvre Olivier Marleix sur la motion de censure Courson. Certains élus, de sensibilité de droite, n'ont probablement pas voté par adhésion, mais ont certainement voulu sanctionner la ligne fluctuante de leurs représentants.
• La hausse des scores RN n'est pas apparue n'importe quand. En 2020, elle n'était pas constatée ; l'événement déclencheur se situe donc après. Je pense à l'épisode électoral de 2022 et l'Assemblée Nationale résultante. Le RN a gagné en crédibilité alors qu'objectivement, ses propositions se font très rares et sa visibilité reste à démontrer. Mais ils passent quand même pour plus sérieux. Si leur image s'améliore sans efforts, c'est certainement parce qu'ils sont aidés par la déconfiture morale d'autres opposants de Macron, au hasard, les insoumis. Ils multiplient les interventions steriles et clivantes. Ils préfèrent provoquer le passage d'un texte par le 49 3 que de mettre le gouvernement dans ses contradictions grâce à un débat. Ils ont même perdu une députée en poste depuis 2017 face à une opposante de gauche sans mandat de Premier plan auparavant. Résumé : c'est bien parce que LFI est médiocre que le RN peut se consoler en se comparant. 

La France insoumise, elle, ne profite d'aucune marge sortant des voix de ses propres élus. Certains de leurs candidats ont même obtenu moins de 1% des suffrages, voire se sont fait doubler par des inconnus écolocentristes présentant des listes sans aucun élu local. Elle prétend défendre l'union de la gauche alors que cette union existait bien avant elle. Elle n'a créé que la NUPES. Elle a même privé la gauche de sénateurs supplémentaires, comme dans les Hauts-de-Seine, où le PCF Pierre Ouzoulias leur avait pourtant proposé une alliance. Ils paient donc le prix de la vanité de leurs candidatures. 

Un dernier positionnement illisible est celui de l'UDI. Tantôt avec la droite, tantôt avec la macronie. Ils parviennent pourtant à limiter la casse grâce à une implantation territoriale solide, mais les électeurs leur ont clairement fait comprendre aux dernières législatives que leur positionnement était à clarifier. COMMENT DISTINGUER L'UDI du Modem (ils ont travaillé ensemble au sein de l'UDF) et de Horizons (qui accueille les centristes et les libéraux )? De l'alliance centriste ?

En Seine-Saint-Denis, le PCF maintient son score élevé mais la gauche socialiste, moins divisée qu'il y a six ans, lui repasse devant et prend un nouveau siège. L'UDI semble capter l'ensemble des voix centristes et d'élus LR avalés dans Horizons. La vraie surprise vient du PRG local Ahmed Laouedj, qui, à la tête d'une liste plus large, semble avoir rassemblé l'ensemble des sensibilités municipalistes de gauche qui ne souhaitent plus faire confiance aux appareils partisans. La réussite des partis aux prochaines élections municipales (et sénatoriales) devra venir du dialogue et du dépassement. Certaines villes y arrivent, d'autres pas du tout, quelques unes doivent aller au bout d'une logique qu'elles avaient sainement initiée d'elles-mêmes !