Quel avenir pour Les Républicains ?

02/11/2022

Les Républicains sont, sans aucun doute, le parti le plus en difficulté parmi ceux disposant d'un groupe à l'Assemblée.

1 - La Première embûche est celle du positionnement politique. Sont-ils les soutiens à peine dissimulés d'Emmanuel Macron ? Sont-ils des conservateurs prêts à se jeter dans les bras d'une union des droites avec Reconquête et peut-être le RN ? Telles sont les questions que l'on se pose après que leur candidate a multiplié les empannages dans un sens puis dans l'autre lors de l'élection présidentielle.

Pour ne rien arranger, le groupe LR à l'Assemblée Nationale a opté exactement pour cette même absence de position. Il refuse de voter les textes de la majorité, trouvant toujours quelque chose à redire... tout en ne votant pas les motions de censure, dans un contexte où ils sont les seuls à pouvoir décider du succès ou de l'échec de ces dernières. Si le parti continue comme ça, ses adversaires à sa droite les repeindront en sauveurs d'Emmanuel Macron, et ses adversaires à gauche en conservateurs sectaires courant après l'extrême droite. Plus aucune chance de retrouver un espace politique.

Dans cette optique, je ne peux leur souhaiter pour président aucun des candidats ayant réuni les parrainages à ce stade (Éric Ciotti, Aurélien Pradié et Bruno Retailleau). Tous se réfugient dans ce ni-ni en refusant toute Macron-compatibilité d'un côté, et, "en même temps", en sauvant la mise de ce dernier lorsqu'il s'agit de statuer sur la capacité du gouvernement à continuer d'exercer.

Les deux seuls que j'ai vu débattre de la ligne politique des LR sont Serge Grouard d'un côté, et Gilles Platret de l'autre.

Le premier, candidat à la présidence de LR, en difficulté à cause du verrouillage des parrainages de parlementaires, défend un accord de gouvernement sur cinq urgences : climatique, régalienne, sociale, économique (désendettement de l'État), institutionnelle (décentralisation). Il précise toutefois qu'il ne s'agit pas de se vendre mais de s'imposer à Emmanuel Macron. Et cette stratégie peut être payante :
• dans un contexte où Macron propose une entente avec LR "sur certains textes", le forcer à choisir entre un accord de gouvernement ou une opposition le plongerait lui dans l'impasse du ni-ni. Ce qui m'amène au deuxième point...
• Macron a besoin des voix des députés LR, et pourtant aurait tout à perdre d'une alliance avec LR. S'il a réussi à sauver plusieurs de ses sièges dans des circonscriptions orientées à gauche, c'est grâce à certains de ses nouveaux ministres que la force des choses a mis en avant, à commencer par Pap Ndiaye à l'éducation. En cas d'alliance avec LR, Renaissance est assurée de perdre son aile gauche. Un Pap Ndiaye à l'éducation serait remplacé par un François-Xavier Bellamy, un François Braun remplacé par un Philippe Bas, un Darmanin maintenu à l'intérieur, un Dupont-Moretti remplacé par une Dati... Macron serait privé de sa jambe gauche et les électeurs de droite finiraient par préférer l'originale à la copie, qui leur aurait permis de garder le meilleur en jetant le pire. Et en l'absence de candidature Macron en 2027, LR pourrait trouver un moyen de paraître comme plus authentique à droite que celui qui a placé Castaner à l'intérieur.

Le deuxième, loin d'être Macron-compatible, estime que le groupe LR devrait avoir le courage de proposer ou de voter une motion de censure et de renverser le gouvernement. Stratégie risquée mais qui peut être payante également. Risquée parce qu'une chute du Gouvernement entraînera inévitablement une dissolution de l'assemblée nationale et des élections législatives anticipées. Payante car les sortants LR pourront jouer la carte de la motion de censure pour s'octroyer les suffrages partis au RN à Reconquête ou peut-être même à gauche (voir la victoire de Nicolas Ray dans une circonscription plutôt à gauche de l'Allier). Donc de quoi conserver leurs sièges et peut-être même en gagner de nouveaux.

Ce débat n'aura malheureusement pas lieu car le premier est en difficulté pour réunir ses parrainages de parlementaires et le deuxième n'est pas candidat (et n'en soutient aucun à ce stade). Puisse le vainqueur se remettre en question lorsqu'il découvrira le score de son parti aux élections européennes...

2 - La deuxième embûche est celle du socle programmatique, qui semble sérieusement s'être arrêté en 2007 après la victoire de Sarkozy.
• Les poncifs répétés à la longue au point de devenir d'insupportables clichés - suppression de la loi SRU, réforme des retraites, rétablissement des peines planchers, suppression des droits de succession, suppression des aides sociales aux parents de délinquants - ne suffisent pas à définir un programme, et ont fini par lasser tout le monde.
• L'absence totale de véritable réflexion sur l'écologie à l'échelle du parti - alors que certains LR sont brillants sur le sujet, comme Pascal Thevenot, Serge Grouard, Michel Barnier ou David Lisnard - est rédhibitoire. LR pourrait être bien au-dessus de la macronie en prenant le sujet au sérieux.
• Persister à faire du parti un soutien aux chasseurs est objectivement dépassé. Outre la majorité de Français opposés à la chasse - pas uniquement la chasse à courre, mais toute la chasse - il convient d'observer que ce créneau leur échappe, et que de nombreux chasseurs se sont tournés vers Macron. Renaud Muselier, Willy Schraen, Jérémy Decercle... Les exemples ne manquent pas, surtout si on ajoute une série de députés LREM comme Alain Perea avant que le RN ne le balaye. LR a également perdu sa coopération avec le Mouvement de la Ruralité, et vu leur degré zéro de réflexion politique, c'est bienheureux. Alors pourquoi s'acharner sur une pratique massivement rejetée, dont les électeurs associés sont déjà partis voir ailleurs ?
• Le rapport au travail est également à questionner. Quelle position sur les chômeurs ? Quelle position sur la participation prônée par Loichot et les gaullistes authentiques ?

Pour résumer, la crise politique qui menace les Républicains est une crise de ligne politique et une crise idéologique. À cette crise, le parti répond par la désignation d'une nouvelle personnalité, qui ne traitera pas le premier aspect et pas assez le deuxième. Tout porte à croire que les LR ont gardé les défauts du bonapartiste sans les qualités. Passer par une figure providentielle a du sens lorsque cette dernière donne un cap et montre un chemin à suivre. S'il se contente de pointer du doigt les endroits où ne pas aller, comment pourra t-il maîtriser le gouvernail de son navire ?

En l'état, les Républicains sont capables du pire comme du meilleur. Lorsque le MHAN a soutenu Pascal Thevenot lors de l'élection législative partielle des Yvelines, nous savions que nous avions affaire au meilleur. Maintenant, il s'agit pour LR de faire des choix. Sur le plan programmatique nous pouvons apporter réflexions et conseils (je ne suis pas sectaire et saurai reconnaître et encourager toute avancée venant de partis différents du mien), mais c'est à ses membres qu'il revient de trouver comment faire peau neuve, dans un paysage politique dont la recomposition est inachevée.

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