Friche Busso au Pré Saint-Gervais : l'exemple d'une projet d'urbanisme à repenser.

25/07/2022

À l'heure où le projet Busso s'apprête à redessiner une large parcelle de la ville, il est bon de dresser un inventaire de ses vertus et de ses risques, en dehors de tout paradigme majorité/opposition. Et d'en venir aux enjeux concrets.

Ce projet se compose de deux sections : un espace vert sur les deux tiers de la parcelle, et la construction d'un ensemble de cinq immeubles supplémentaires sur le tiers "sud" de la parcelle.

D'abord le projet d'immeubles ; il pose la question du simple fait de continuer à construire des logements :

dans une ville en recul démographique (et j'avais pu écrire en janvier dernier que le recul démographique était une bonne chose, et devait tendre précisément vers la politique inverse)

dans une ville où le prix du mètre carré grimpé d'année en année, privant de manière chaque fois plus généralisée l’accès au logement gervaisien aux classes populaires. Cet aspect est même la première cause du constat listé au point précédent et se vérifie dans toute la Seine-Saint-Denis : alors que les quartiers défavorisés (donc accessibles aux classes ouvrières) étaient limitrophes de Paris dans les années 90, ils sont désormais à Épinay-sur-Seine, Sevran, Sarcelles, Mitry-Mory... toujours plus loin au fur et à mesure que nos villes s'urbanisent, que le prix du mètre carré explose et que la nature disparaît.

• Quant aux classes moyennes et aisées, lorsqu'elles peuvent choisir un bel appartement à Melun dans une rue aérée ou une maison en zone pavillonnaire à Eaubonne (tant qu'il y en a, c'est un sujet différent mais convergent), et un 40m² au premier étage en plein îlot de chaleur au Pré, que choisiront-elles ? Le critère du cadre de vie prendra le dessus sur l'éloignement de Paris, largement compensé par des réseaux transiliens rapides et réguliers. Raison pour laquelle continuer de construire fera perdre plus d'habitants à la ville qu'il n'en rapportera.

• Aspect lié au précédent, qu'avait expliqué Alexandre Saada lorsqu'il était élu : le nombre de résidences secondaires au Pré explose. Ce phénomène découle de deux tendances : les habitants du Pré qui gardent leur appartement tout en établissant leur résidence primaire ailleurs, et les "provinciaux" (ce terme m'insupporte) qui voulaient un pied à terre à Paris et se sont rabattus sur le Pré. Comment conforter une logique qui donnera toujours moins d'animation à notre ville et moins de bien vivre à ses habitants, tout en chassant les classes populaires par l'application de la cynique loi du marché ? Voilà pourquoi je pense qu'il faut arrêter purement et simplement de construire sur notre petit lopin de 70 hectares de terrain.

Deuxième aspect, l'espace vert.

L'on peut y voir plusieurs aspects : son rôle de rafraichisseur/capteur de CO2 et son ou ses utilités pour les habitants.

》Pour capter le CO2 et baisser la pollution atmosphérique, il faut s'adapter au terrain que nous laisse l'espace Busso. Notamment, si l'on souhaite l'émergence d'une forêt urbaine, s'assurer que les sols permettront aux arbres de tenir. Si nous sommes victimes de nos choix, replanter les arbres morts d'année en année coûtera bien plus cher qu'annonce et ne jouera pas le rôle d'un tel espace de capter le CO2. Ce qui me permet d'en venir à un deuxième grand régulateur atmosphérique : un plan d'eau. Certes, la question de son alimentation et de son évacuation se pose. Mais si elles sont résolues, un plan d'eau permettra de rafraîchir notre commune et d'améliorer la qualité de l'air de manière plus régulière, et peut-être plus durable, qu'une forêt vierge. Une solution hybride ride forêt-plan d'eau a donc ma faveur.

》En plus de permettre de lutter contre les îlots de chaleur et de mieux respirer, cet espace peut être un beau point de ralliement pour une cité mal associée à la vie publique locale : la cité Péri. Quoi de mieux que de rendre une partie de cet espace vert compatible avec l'organisation d'événements culturels ?

Soyons honnêtes, le projet Busso sera bien meilleur pour le Pré Saint-Gervais demain que la vaste étendue de béton qu'il constitue aujourd'hui. Mais un autre projet aurait rempli bien plus d'objectifs pour les habitants, et n'aurait pas participé d'une logique contraire aux intérêts de notre commune.

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