Des errances politiques à l'origine des régionalismes
On peut combattre les régionalismes, mais nul ne peut ignorer que s'ils existent, comme c'est le cas de chaque courant idéologique, c'est parce que certaines errances de notre fonctionnement politique leur donnent raison. Personnellement, je combats sur tous les terrains possibles ceux qui nient la légitimité de l'État ou pire, qui souhaitent s'en séparer. Mais je m'explique le combat des autres, qui souhaitent retrouver des marges de manœuvre perdues, et qui trouvent dans l'Union européenne une écoute dont ils sont privés en France... bien que la deuxième finance largement la première. Nier la nature des problèmes ajoute le mépris à l'erreur ; cette citation, déjà vraie dans pleins de domaines, l'est tout autant ici.
La seule question que je me pose pour l'attribution des compétences est la suivante : à quel échelon cette capacité politique est-elle la plus pertinente ? Ni "girondin", ni "jacobin", ne viendront borner ma pensée politique. Je ne supporte plus les postures consistant à affirmer que si l'on attribue une compétence à l'État, c'est que l'on conforte un centralisme décadent, ou si l'on confie une politique à une collectivité locale, c'est que l'on est un régionaliste séparatiste anti-français. Ces postures reposent sur l'application systématique et stérile de courants d'idées que la vérité se chargera de mettre face à leurs contradictions.
Premièrement, l'on rappelle qu'une Nation se compose d'un territoire bordé de frontières, d'une population habitant le dit territoire, et d'une culture forgée au fil des siècles grâce à la Nature présente sur le territoire. Ce schéma est complet et représentatif. Force est de constater que ce cadre correspond aussi bien à la France... qu'aux régions qui la composent. L'on peut affirmer par exemple qu'il existe un territoire provençal, un peuple provençal et une culture provençale. Ceux-ci sont peut-être même plus anciens que leurs équivalents français puisque la Provence constituait, avant l'avènement de la Nation par la gauche révolutionnaire, un État aux côtés du royaume de France.
Deuxièmement, l'on peut rappeler de sérieuses erreurs de gestion des pouvoirs et missions des institutions, au travers de "pactes girondins" boiteux et traîtres. Certaines aides sociales, auparavant nationales, ont été confiées aux départements sans contrepartie à la hauteur (notamment le RSA, dont la prise en charge pénalise les départements les plus pauvres). D'autres, ayant une pertinence sur le plan local, ont été supprimées sans compensation, ou donnant lieu à une compensation alambiquée par un ensemble de conditions et une lourdeur administrative inutile (suppression de la taxe d'habitation).
Troisièmement, alors que la morphologie et l'imagerie des départements est désormais importante aux yeux de nombreux Français, l'on peut sérieusement questionner la délimitation des régions qu'ils composent. Et ce, aussi bien pour les treize super-régions issues de la loi NOTRE, que leurs prédécesseuses au nombre de vingt-six. L'Ardèche a, historiquement, bien plus à voir avec le Languedoc qu'avec le Lyonnais, le Dauphiné et la Savoie. Les Pays-de-la-Loire constituent un mastodonte étonnant entre le Poitou, l'Anjou, le Maine et un département rapprochable de la culture bretonne. Les Pyrénées-Orientales et Pyrénées-Atlantiques sont trop différentes, sur le plan culturel et même économique, pour être noyées dans des régions de plus d'une dizaine de départements. Nous pouvons renouer avec notre histoire en choisissant des régions mieux adaptées aux cultures et aux relations économiques des départements qui composent le territoire, les deux allant souvent ensemble. Il ne serait même pas nécessaire de retoucher les frontières des départements. Dans la même optique, nous devons en finir avec un découpage cantonal qui massacre notre géographie et notre histoire, et avec des circonscriptions qui ne partagent de nombreuses villes en deux que pour permettre à certains d'être plus facilement élus que d'autres. Connaître des circonscriptions urbaines et d'autres rurales n'a jamais été un contresens ni une rupture d'égalité. Au contraire, si nous gardons le découpage actuel des circonscriptions, nous resterons avec trois députés sur quatre issus des grandes villes.
Nous faisons donc face à la série d'observations suivantes :
• Les Français aiment leur culture, tant la culture nationale que les cultures locales
• Les Français intègrent mieux les régions par la variation des cultures locales que par les délimitations politiques arbitraires
• Les Français sont attachés à l'imagerie départementale
• Les Français, ne comprenant pas le sac-de-noeuds de l'attribution de telle mission à tel organe public, on tendance à renvoyer toutes les erreurs sur l'État et le Président de la République. Alors que les premiers coupables sont régulièrement les traités européens et les décideurs de ces attributions labyrinthiques de missions publiques.
À toutes ces observations, il faudra trouver une réponse. Concilier appartenance et solidarité nationale d'un côté, et culture et développement local de l'autre. Trouver une répartition des tâches, logique, cohérente, permettant de diminuer une lourdeur administrative qui condamne de nombreuses tentatives des uns et des autres d'agir pour le bien de leurs concitoyens.