Cérémonie d'ouverture : et si on prenait le sujet en entier ?

29/07/2024

On a pu débattre de cette cérémonie, et en soi, le simple fait qu'elle suscite le débat est une réussite. Comme cela l'a été pour la cérémonie de la coupe du monde de rugby sous la houlette de Jean Dujardin. 

Pour exprimer mon ressenti en une phrase, je prononcerai celle-ci : 

"Lorsque les politiques lâchent la grappe aux artistes, ceux-ci font des choses magnifiques".

Tous les mots comptent.

1/ De quoi parlons-nous ?

Rappelons d'abord de quel événement il s'agit : une cérémonie d'ouverture de JEUX OLYMPIQUES. À savoir une compétition qui a pu renaître de ses cendres par la volonté d'installer des moments d'entraides, d'échanges et de solidarité entre nations, et de militer pour la paix. À ce titre, la cérémonie d'ouverture n'aurait de toute façon pas repris la ligne éditoriale du Puy du Fou. 

La première idée était donc de rassembler (d'où la scène en trouple, dont à mon humble à vis, le sujet ne devait pas être le trouple mais le fait que cela ait permis des baisers hétéros et gays) et de susciter le dialogue entre des mondes qui ne se parlent dans aucun autre contexte (Aya Nakamura et la Garde républicaine). 

C'est donc toutes les appréciations de la France qui ont été retranscrites : une plus patrimoniale avec Piaf, la danse macabre de Saint-Saens, le French Cancan, l'apprenti sorcier de Dukas, les grands monuments, la grande vadrouille, la marseillaise... et une qui correspond aux succès français du moment, en France et dans le monde, que cela plaise ou non : les minions, Aya Nakamura, D.A.N.C.E de Justice, Gojira, Axelle Saint-Cirel. Pour la solidarité entre nations, il y avait Lady Gaga et Céline Dion pour les artistes et Rafael Nadal/Serena Williams/etc. pour les athlètes. Bref, se souvenir de ce pourquoi l'événement a lieu !

2/ Si les politiques lâchent la grappe aux artistes

Entre ces tableaux, et c'est tout le sens de la phrase initiale de ce texte, il y a eu celui, malaisant, d'une incursion du politique dans la volonté créative. Quoi que l'on pense des drag queens, leur prestation repose en trop grande pratique sur des allusions sexuelles qui n'ont pas leur place dans un événement de ce niveau d'audience (1 milliard et demi) et représentent un phénomène objectivement marginal (y a t-il 1% de queer en France ? Dans le monde ?) et clivant. On peut s'en réjouir ou le déplorer ; c'est un fait. Cliver dans un contexte pareil conduit inévitablement à la question du message politique véhiculé, et on peut saluer le travail des artistes d'avoir peiné à trouver un contexte pour rendre le passage moins centré sur l'objet du clivage (le défilé de mode, par exemple, était dans l'ensemble moins clivant).

3/ Un Dionysos bleu

Je mettrai à part le passage de Philippe Katherine, qui aurait été moins sujet à discussions si le retentissement avait été exclusivement national. Katherine a l'essentiel de sa notoriété (non négligeable, tout de même) en France. Ce qui pouvait rendre le spectacle gênant réside dans sa portée mondiale avec l'allusion au grand schtroumpf qui ne se justifiait pas artistiquement. La nudité, elle s'explique par deux choses : l'histoire antique des JO doublée à la représentation historique des dieux de la mythologie grecque (ici Dionysos) d'une part, et le texte de la chanson d'autre part : "où peut-on cacher un revolver quand on est nu ?" Pour ne citer qu'un vers. La chanson est un message de paix avec une application très (trop) légère.

4/ Marie-Antoinette et notre passé révolutionnaire 

Il est vrai que la partie de l'histoire de la Révolution française que les étrangers comprennent et apprécient le moins est justement la décapitation du roi, et, à plus forte raison, de la reine. Cela a pu légitimement choquer. Il en reste que c'est une part de notre histoire, ici mise en scène de façon à rendre hommage aux théâtres guignols. On aurait clairement pu faire plus rassembleur. La suite en revanche n'a rien d'injustifié culturellement. Le métal est un style musical maintes fois associé à des références classiques, et parfois même mélangé de façon très brillante dans le style "métal symphonique". Quel meilleur pays que celui du Hellfest pour innover en en incluant à une cérémonie d'envergure mondiale, qui plus est avec un groupe français à la renommée mondiale ? C'est sans nul doute un des tableaux les plus époustouflants de la soirée.

5/ La France, le Blasphème, la liberté de création

La Cène : même si la référence se mélange avec un autre tableau, la disposition et les costumes y ont fait émerger une allusion. Étant donné le nombre de fois que l'on a pu voir ce tableau pastiche, parodié, tourné en dérision, je pense que les artistes ne se sont même plus posé la question de si ça allait choquer ou non. À titre personnel (bien que je doive préciser être musicien et ingénieur du son), ça ne m'a pas choqué, pas plus que Marie-Antoinette et même Philippe Katherine que je connaissais déjà. S'il est vrai que la (s)cène est allée plus loin qu'habituellement dans la caricature, je trouve que les indignés en ont beaucoup fait dans une époque où tout est devenu prétexte à la victimisation. Et je ne supporte pas davantage les injonctions selon lesquelles il faudrait absolument blasphémer toutes les religions en même temps pour que ce ne soit pas toujours les mêmes... Chacun en son temps, il serait malvenu de la part des conservateurs de reprendre, y compris dans ce contexte, un argument devenu le principal fait-à-réagir de la gauche égalitariste intersectionnelle et de la culture woke.

6/ Respectons le travail des artistes, merde !

Je finirai par ce point car c'est le plus important à mes yeux. Indépendamment des intrusions politiciennes, qu'elles viennent du chef de l'État, de la maire de Paris ou d'ailleurs, merci de ne pas jeter les artistes et leur talent immense dans le même bain. Je ne parle même pas d'Aya Nakamura, de Lady Gaga et des têtes d'affiche : je parle des musiciens, des costumiers, des danseurs, des funambules, des cascadeurs, des acteurs, des cinéastes de de l'ensemble réel des artistes mobilisés. Il n'y a rien qui m'énerve plus que de reléguer le travail des artistes au second plan pour rejeter en bloc un événement pour des raisons politiques. On a les politiques qu'on mérite, mais nos artistes ont abattu un travail de titan.C'est exactement la même position que j'ai sur les films des réalisateurs infréquentables. Qu'on les boycotte eux, c'est la conséquence de leurs actes. Mais boycotter leurs films est inacceptable car cela revient à considérer que le travail des acteurs, chefs opérateurs, assistants, éclairagistes, ingénieurs du son, maquilleurs n'auraient servi à rien. Tant pis si ce point de vue conduit à me faire passer pour un communiste. Un film, un album, un spectacle sont des œuvres collectives et chaque individu a une âme, pas moins que les autres.

Conclusion

Voilà pourquoi j'ai trouvé cette cérémonie réussie. Malgré les intrusions politiques, les artistes se sont surpassés. La France d'hier et celle d'aujourd'hui ont été mises en avant. Et surtout, cette cérémonie d'ouverture de jeux olympiques a, à de rares exceptions près, parfaitement correspondu à ce qui est attendu d'une cérémonie d'ouverture de jeux olympiques.